AXE 1 : L'espace public des pays germanophones et l'espace public européen Responsables : Pascal Fagot (PR) et Emmanuel Béhague (PR)
L’année 2015 et ce début d’année 2016 — les prochaines années confirmeront vraisemblablement cette évolution — démontrent que l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse occupent une place toujours plus importante dans l’espace public européen, où elles figurent autant comme sujets que comme objets de discours de toutes natures. À partir de cette constatation, en continuation de la réflexion entamée lors du précédent contrat quinquennal, et pour aider à comprendre la façon dont les pays germanophones participent de la vie intellectuelle, politique, culturelle, artistique, sociologique ou économique de l’Union européenne, notre axe se fixe pour objectif d’étudier les espaces publics de ces pays dans leurs interactions avec l’espace public européen.
Pour Habermas, l’espace public se serait constitué contre l’État dans l’objectif d’en contrôler le pouvoir politique. Par cette définition, il l’installe dans un territoire donné et, de fait, comme l’explique Jörg Requate, l’espace public a le plus souvent été perçu et étudié dans les frontières des États, et c’est avec l’écriture d’une constitution européenne donnant à l’Union européenne le statut d’un quasi-État que l’on a commencé à sérieusement s’interroger sur l’existence d’un espace public européen.
Dans son ouvrage intitulé La fin des territoires, Bertrand Badie constate par ailleurs un phénomène de « déterritorialisation » sous l’effet duquel le monde serait en train de se réorganiser par-delà les frontières des États existants ; il s’opèrerait un « décloisonnement consensuel de l’ordre mondial et […] ce qui peut être une redéfinition « à froid » de la fonction des bornages et des frontières »[1] ; un monde de réseaux serait en gestation qui ne coïnciderait pas nécessairement avec les frontières des États, mais qui recouvrerait « tout un ensemble de relations sociales récurrentes qui se créent entre des individus et des groupes au-delà des contrôles institutionnels auxquels ils sont exposés »[2].
Cette idée d’une déterritorialisation du monde nous invite à nous interroger sur le lien existant entre territoire et espace public, que nous définissons comme espace ouvert de communication (Kommunikationsraum) et de production de discours, de débats et de controverses, ou « espace discursif ». L’espace public peut-il encore être conçu comme un tout homogène propre à un territoire ou bien doit-il être pensé comme un ensemble de segments (Teilöffentlichkeiten) discursifs autonomes qui ne seraient pas cernés par des frontières étatiques mais qui s’organiseraient par exemple autour de champs thématiques ou à partir de paradigmes linguistiques (ex : pays germanophones), formels ou techniques ? Nancy Fraser nomme « arènes publiques » ou encore « arènes discursives » ces endroits mobiles de communication qui se donnent en propre leurs règles et leurs échelles (région, État, Europe, monde…).
Pour affronter la « complexité » (Edgar Morin) de cette problématique, et à partir de nos compétences disciplinaires et linguistiques, nous organiserons notre axe en deux sous-axes proposant deux approches méthodologiques différentes et complémentaires.
Membres titulaires participant à l’axe A :
- Pascal Fagot (PR),
- Emmanuel Béhague (MCF HDR),
- Gilles Buscot (MCF),
- François Danckaert (MCF, Université de Haute-Alsace),
- Pierre Deshusses (MCF),
- Christian Jacques (MCF),
- Andreas Häcker (docteur, PRAG),
- Nadine Willmann (docteure, PRAG, Sciences Po Strasbourg).
Membres associés :
- Aline Vennemann (Docteure, Professeur agrégée)