En Europe au tournant des XIXe et XXe siècles, Nietzsche et Salomé participent à la crise moderne de l’identité en s’interrogeant sur les genres et plus largement sur le masculin et le féminin. Loin de rejoindre le patriarcat traditionnel, ils ne s’en détachent toutefois pas au profit du féminisme égalitariste alors en plein essor. Par leur geste ambivalent et foncièrement différentialiste, les deux philosophes donnent à saisir une troisième voie complexe et irréductible qui étudie avec sérieux les représentations des femmes et du féminin, et par opposition des hommes et du masculin, en vue de la vie elle-même et d’une humanité d’avenir idéale. Nietzsche et Salomé, s’ils sont d’âges et de genres différents, présentent une proximité indéniable de pensée, de leur propre aveu mais également dans la réception qu’on peut faire de leurs productions respectives. Il est à déplorer que l’œuvre saloméenne soit encore trop peu étudiée pour elle-même, indépendamment d’un regard strictement biographique qui la réduise à sa relation aux grands hommes. Loin d’être un pan anecdotique des travaux de Nietzsche et de Salomé, ce que je nomme une philosophie du genre y apparaît en réalité fondamentale et tout à fait cohérente avec l’ensemble de leur réflexion. Cette dynamique proprement philosophique reflète une mutation historique profonde et un geste particulièrement représentatif du caractère transitif de leur époque, entre élans progressistes et conservateurs, mais toujours au service d’une typologie mettant en lumière le corps et la lutte vitale qu’il abrite. Notre étude comparative suit une progression à la fois thématique et temporelle pour interroger les féminités nietzschéennes et saloméennes : l’héritage que constitue la religion, notamment chrétienne, l’érotisme comme relation privilégiée homme-femme au présent, ainsi que l’art et la politique comme participant respectivement d’un avenir souhaité et redouté.
Soutenance de thèse d'Ondine Arnould
6
décembre 2024
13h30
17h30
Amphithéâtre du collège doctoral à l’Université de Strasbourg
Membres de jury :
- Fabrice Malkani (PR en études germaniques, Université de Lyon 2)
- Scarlett Marton (PR émérite en philosophie, Université de São Paulo)
- Isabelle Mons (PRCE HDR en littérature comparée, Université Sorbonne paris Nord)
- Patrick Wotling (PR en philosophie, Université de Reims Champagne-Ardenne)
- Christine Maillard (co-directrice, PR émérite en études germaniques, Université de Strasbourg)
- Anne Merker (co-directrice, PR en philosophie, Université de Strasbourg)